Leader vs Manager - Une nécessaire mise au point

Publié le par Erwan BUREL - Haute Performance Professionnelle


  Abraham ZALEZNIK est professeur de Leadership à la célèbre HARVARD BUSINESS SCHOOL.

C'est une des grandes figures de cette discipline si mal connue en France.

Il est aussi psychanalyste clinicien, une compétence qui fit de lui un pionnier dans la compréhension de la psychologie des managers et des leaders.

Il se rendit même à Osaka (Japon) pour rencontrer le "génie du management" Konosuke MATSUSHITA (voir notre précédent article). Celui-ci décida de financer la création d'une chaire de Leadership à la Harvard Business School, à la tête de laquelle fut naturellement élu A. ZALEZNIK.

Pour une courte bio voir référence [1] en bas de page.


Dès 1977, il publia un article remarquable [2] qui bouleversa les "prêts-à-penser" de l'époque. Nul doute que la re-lecture de cette contribution éclairante viendra bousculer, aujourdhui encore, certains malentendus sur la fonction manageriale.

Fin des années 70, le management reste encore, pour une large part, centré sur les structures organisationnelles et les processus. Le développement des compétences, le contrôle des activités et l'équilibre des rapports de force en sont les thématiques centrales.

ZALEZNIK réfuta cette représentation en soulignant ses lacunes principales : les composantes essentielles du leadership. L'inspiration, la vision et les passions humaines sont les clés du succès d'une organisation.


I - Le gestionnaire et le créatif


MANAGER   LEADER

Considère les processus d'activités

Recherche la stabilité

Exerce un contrôle sur les activités

Résoud les problèmes au plus vite sans chercher toujours à en comprendre la signification
  S'accomode du chaos et de l'absence de structure

Reporte les délais afin d'approfondir les problématiques













ZALEZNIK voit dans le leader un créatif. Il le compare à un artiste ou à un chercheur scientifique. A ses yeux, toute organisation a besoin et du leader et du manager pour réussir. Pour parvenir à cet équilibre, la logique calculatrice et planificatrice doit céder un peu de terrain à un environnement favorisant l'imagination et l'énergie créatrice.


II - Des profils de personnalités opposés

Toute culture managériale est fondée sur la rationalité et le contrôle. L'énergie du manager étant orientée sur des objectifs, des organisations, des personnes, des ressources et des moyens, il (ou elle) est là pour résoudre des problèmes.
Il n'est pas nécessaire d'être génial ou héroïque pour être un manager. Il faut plutôt faire preuve de persévérance, de robustesse, de pugnacité, d'esprit d'analyse et aussi de tolérance et de bonne volonté.

A contrario, la figure de leader revêt quelque chose pouvant aller jusqu'au mysticisme. Dans cette conception, seules quelques personnalités exceptionnelles sont dignes d'exercer une relation de pouvoir. Le leadership s'exerce alors comme un psychodrame dans lequel une personnalité brillante et solitaire doit conquérir son propre contrôle en préalable au contrôle qu'elle exercera sur les autres.
Cette conception est radicalement différente de la représentation du leader qui aurait pour but de diriger et gérer les activités des autres.


III - Différences d'attitudes à l'égard des buts

Les managers ont tendance à adopter une attitude impersonnelle à l'égard des buts qui leurs sont fixés. Leurs objectifs sont définis par la nécessité et les contingences. C'est l'activité, l'histoire et la culture de l'entreprise qui s'expriment dans la fixation des objectifs, non leurs inclinations personnelles, leurs souhaits ou leurs désirs. Le manager reçoit ses objectifs et réagit en conséquence.

Les leaders son pro-actifs dans la définition de leurs buts. Ils donnent forme à leurs idées.
Un leader exerce une influence sur les états d'esprits, sur les représentations et les attentes ainsi que dans l'établissement d'objectifs et de désirs spécifiques. Cette influence modèle la direction que prennnent les affaires de l'entreprise en modifiant la manière dont les gens envisagent ce qui est désirable, possible et nécessaire.


IV - Le leader : une autre conception du travail

Habituellement, les managers se représentent le travail comme un processus comprenant différentes combinaisons d'acteurs et d'opinions inter-agissant pour définir des stratégies et prendre des décisions. Ils facilitent le déroulement de ce processus en évaluant le forces en présence et les intérêts en jeu et en planifiant la résolution des controverses. D'un côté, le manager il négocie et supporte. De l'autre, il manie la récompense et la punition.
Pour obtenir l'adhésion aux solutions proposées, le manager doit continuellement négocier, tempérer et équilibrer les différentes prises de positions. Par certains côtés, c'est un diplomate ou un médiateur. Il recherche le compromis en limitant habilement les choix possibles.

A l'inverse, le leader ouvre des voies et mulitple les perspectives et les options possibles. Il projette ses idées sous forme d'images, de symboles et d'allégories pour susciter l'enthousiasme et de là développe des choix possibles pour donner de la substance à ses idées.


V - Attitudes différenciées face à la prise de risques

Le leader est prédisposé à adopter une position de risque élevé. Le danger potentiel est accepté notamment lorsque la promesse d'un gain ou d'une opportunité apparait. Pour lui, les attitudes précautionneuses et conservatrices le plongent dans une forme d'affliction.

Le manager sera naturellement guidé par une approche prudente à l'égard des risques. Son instinct de survie prend le pas sur la prise de risque.


VI - Un autre rapport aux autres

La neutralité distante du manager

Le manager recherche le travail d'équipe. Les électrons libres le rendent anxieux car ils sont difficilement controlables. De plus, le manager évite de s'engager émotionnellement dans ses relations de travail. Il maintient de la sorte une juste distance avec les autres : ni trop éloigné pour que le travail de groupe soit possible, ni trop proche pour éviter une implication personnelle trop importante.
Cette approche paradoxale des relations humaines est la clé de voute des activités manageriales car elle favorise la recherche de compromis (en évitant de prendre un parti trop prononcé en cas de conflit) et d'un équilibre des rapports de force.
En contrepartie, le manager manque généralement d'empathie et de cette capacité à ressentir intuitivement les pensées et les sentiments des personnes qui l'entourent. L'importance qu'il accorde aux autres est fonction de la place qu'ils occupent respectivement dans le processus de prise de décision.


L' intuition et l'empathie du leader : évitons les méprises !

Les relations humaines du leader sont plutôt intuitives et empathiques, ce qui ne signifie pas qu'elles soient systématiquement désintéressées. Dans les faits, l'empathie n'est pas synonyme d'humanisme, contrairement à une idée reçue largement fondée sur la théorie de "psychologie humaniste" de Carl ROGERS. L'empathie est la capacité à ressentir les pensées et les sentiments des autres grâce à la perception des différents signaux par lesquels ils s'expriment. Plus encore, l'empathie est aussi la capacité à comprendre le sens de ce ressenti et à le resituer dans la relation.


VII - Ego du manager / Ego du leader : clé de la conduite du changement

Sur ce plan, ZALEZNIK sinspire de la distinction opérée par William JAMES dans The varieties of religious experience.

Le manager est celui qui est "né une seule fois". Sa vie, écoulée selon une ligne droite plutôt tranquille, est régulière et continue. Il se sent en phase avec le monde dans lequel il vit. Ses choix personnels le satisfont. La reconnaissance de ses mérites par les autres constitue en soi une récompense.
Il s'identifie à l'organisation et à la structure garantes de la permanence et de la pérennité des choses.
C'est pourquoi le manager est attaché à maintenir les choses en l'état : il est profondément conservateur.

Le leader est celui qui est "né deux fois". Sa vie, faite de ruptures et de transformation, est comme un cyle perpétuel de naissance, vie et mort. Il renait constamment à lui-même. Sa quête de sens et d'ordre se poursuit dans le doute et la lutte. Il se sent comme un exilé dans le monde. Isolé et solitaire, les récompenses extérieurs ne peuvent le satisfaire pleinement.
Il ne se sent jamais appartenir à une organisation.
Le leader peut être subversif : le monde tel qu'il est ne le satisfaisant pas pleinement, il est porteur de transformation voire de rupture.






Erwan BUREL - www.haute-performance.fr
HAUTE PERFORMANCE Conseil Formation Accompagnement
contact :
erwan.burel@haute-performance.fr






Références :

[1] Bio de Abraham ZALNEZKI

1945 : obtient le Bachelor's of Arts et fut élu membre de la société honorifique Phi Beta Kappa.
1947 : obtient un MBA à la Harvard Business School
1951 : obtient un doctorat en sciences commerciales
1962 : devient professeur en psychologie sociale du management à la Harvard Business School
1968 : obtient le diplôme de psychanalyste clinicien à l'Institut de psychanalyse de Boston.

Ses études en psychanalyse ont pour objectif de renforcer ses travaux en psychodynamique du leadership et en dynamique de groupe.

1977 : Mc Kinsey lui décerne une récompense pour son article "Managers and leaders : are they different ?"

1981 : rencontre au Japon Konosuke MATSUSHITA (voir notre précédent article).

MATSUSHITA fait un don financier à la Harvard Business School pour la mise en place d'une chaire de Leadership. C'est un fait sans précédent !

ZALEZNIK fut élu à la tête de cette chaire et dirige le cours de psychodynamique du leadership.

1992 : obtient un doctorat de Lettres, à titre honorifique
1996 : L'association des élèves de la Harvard Business School lui décerne une disctinction en récompense de ses 43 années de service.

Auteur ou co-auteur de 14 ouvrages, il rédigea de nombreux articles.

A. ZALEZNIK a aussi exercé des activités de conseil en management des organisations ainsi qu'en résolution de conflits.


[2]  
"Managers and leaders - Are they different ?"

Publié dans Leadership

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