Que doit la réussite à la chance ?

Publié le par Erwan BUREL - Haute Performance Professionnelle




Partie 1 - MORCEAUX CHOISIS

- “La chance existe. Sans cela, comment expliquerait-on la réussite des autres ?” [1]

- “Je crois à la chance. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour justifier la réussite des gens que je n'aime pas.” [2]

- “La réussite, ce n'est jamais qu'une histoire de chance. Demandez à un raté.” [3]

- « La chance d'avoir du talent ne suffit pas ; il faut encore le talent d'avoir de la chance. » [4]

- « La chance : plus je travaille, plus elle me sourit. » [5]

- « Tel croit à sa valeur qui doit tout à la chance. » [6]


Partie 2 – LES METHODES DE LA REUSSITE : ACCOMPAGNER LE CHANGEMENT

Mon métier, consultant et formateur en développement de la performance, m’a conduit à rencontrer un grand nombre d’acteurs du secteur de l’énergie (EDF, GDF) ou de celui des télécom (France Télécom, Orange, SFR), pour citer les principaux.

Avec pour objectif majeur d’améliorer leur performance, je les ai accompagné, qu’ils soient directeurs, chefs d’équipes ou responsables de projets. Contraints de produire à court terme, il leur était difficile de « relever le nez du guidon ». Les démarches « scientifiques » outillées de techniques « rationnelles » d’optimisation de la performance des organisations, des processus et des acteurs m’ont longtemps paru être les seules valables. Synonymes d’objectivité, de crédibilité, d’efficacité et de reproductibilité elles paraissaient seules aptes à mener au changement voulu.

Avec le temps et l’expérience, j’ai progressivement compris l’intérêt, sinon la nécessité, d’adopter une démarche « plus humaine », dans le sens d’une prise en compte de la dimension psychologique des personnes auprès desquelles j’intervenais.

En effet, un constat s’imposait à moi, comme à tout autre consultant : tout dispositif mis en place (processus, procédure, schéma d’organisation, application informatique…) ne peut conduire au résultat escompté que si les principaux concernés y adhèrent. Dans le cas où l’on ne s’assure pas de cette adhésion, il est à craindre que différents comportements d’évitement, de rejet ou de détournement se produisent.

Décider et concevoir le changement est une chose. Mais le seul véritable changement qui soit productif est à rechercher dans les pratiques métier, dans les attitudes et les comportements. Changer le papier (procédures, modes opératoires,…) ou les machines (applications informatiques…) n’a de sens que si l’utilisation qui en est faite est optimale.

C’est un point sur lequel on ne saurait trop insister. D’ailleurs, lorsqu’il est question de réaliser un changement dans l’entreprise, tout consultant se réjouit d’obtenir l’appui, voire mieux l’engagement, de la direction.

Ce qui se vérifie au niveau des organisations se transpose, pour une bonne part, au niveau individuel. Ainsi, lorsqu’une personne se voit proposer, par son entreprise, de suivre une formation visant à accroitre son efficacité, il est indispensable qu’elle accepte cette démarche. Au-delà de la seule acceptation, il est plus sûr qu’elle soit acteur de sa propre évolution.

L’empilement de stages et de techniques de performance sera sans effet notable sur les résultats obtenus si cette personne ne cherche pas à les intégrer, à se les approprier, après avoir fait sienne la volonté de réussir. Il est généralement admis par la communauté d’experts de la performance individuelle et d’équipe (Garfield [7] 1986, Kouzes et Posner [8] 1987, Covey [9] 1989, Fletcher [10] 1993) que la réussite d’un individu tient à sa motivation personnelle intrinsèque avant tout autre chose. La fortune personnelle, les diplômes, l’entourage constitueraient des facteurs de second rang.
C’est d’ailleurs un fait qui tend à être reconnu de plus en plus bien que les réflexes corporatistes (grandes écoles) bloquent encore trop souvent l’accès aux postes à haute responsabilité à ceux qui n’ont pas le pédigrée estampillé de telle ou telle école célèbre. Ceci n’est pas seulement vrai en France mais aussi aux Etats-Unis, bien que le (la) « self-made (wo)man » y soit mieux valorisé qu’en France.


Partie 3 – QUATRE GENERATIONS DE METHODES DE REUSSITE ?

Ainsi, les démarches, méthodes et techniques de la réussite existent. Elles ne datent ni d’aujourd’hui, ni d’hier. Nous pourrions remonter à certains écrits taoïstes de la Chine antique. Lao Zi [12] ou Zhuang Zi [13] n’étaient certes pas diplômés de quelques « American school of management », ce qui ne les empêcha pas d’énoncer quelques lois humaines de l’efficacité (au sens de préserver et réussir sa vie) sans être ridicules.

Plus proches de nous, depuis la fin du 19ème siècle, se sont succédées grosso modo 4 générations de démarches et de méthodes de développement de la performance humaine (cf : « La Haute Performance – approche critique de l’Art de réussir sa vie » - auteur : Erwan BUREL – parution 1er trimestre 2010).

1. Jusqu’au début des années 60 : « Les commandements » : ensemble de lois, exprimées de manière péremptoire et très directive à appliquer pour réussir. Parmi les auteurs les plus représentatifs de cette période, on citera Napoleon Hill ou Dale Carnegie.

2. Dans les années 80 : « Les qualités » : ensemble de qualités que doit manifester un individu pour réussir, à l’image des athlètes ou des champions de l’entreprise américaine.

3. Dans les années 90 : « Les principes » : Quelques lois restreintes, souples et adaptables à toute situation. Covey restera l’auteur à succès de cette génération.

4. Enfin, l’ « Approche centrée sur la personne », dont Jerry L Fletcher10 ou Richard Bandler11 sont parmi les tenants les plus remarquables.

Actuellement, la tendance est au mix de ces 4 approches, pour le meilleur ou pour le pire. Une synthèse en la matière nécessite une parfaite compréhension de chaque approche afin de commencer par les positionner correctement les unes par rapport aux autres puis de percevoir la nature de leurs relations et ensuite seulement de pouvoir les solliciter à bon escient en fonction des besoins des personnes auprès desquelles nous intervenons.
La tâche est exigente et ne saurait se contenter d’à peu près, sous prétexte de pseudo-créativité ou d’une soi-disante liberté d’interprétation, alibis ô combien classiques de la paresse.

Résumons-nous, les méthodes de développement de la performance humaine ne manquent pas et il continue de s’en créer au fil des tendances et autres effets de mode dont la vocation est d’éveiller la curiosité des acheteurs de formation en poste dans les entreprises clientes (reconnaissons que ces mêmes acheteurs, véritables professionnels, ne s’y trompent que rarement).

Nous reviendrons prochainement sur ce point crucial et passionnant, à l’occasion d’un nouvel article.


Partie 4 - LA CHANCE VERITABLE CLE DU SUCCES ?

Des méthodes évoquées précédemment, le grand public a retenu quelques idées générales issues des récits médiatisés de celles et ceux qui ont réussi dans un domaine (business, sport, politique, art,…).
Ainsi, parmi les lieux communs de la performance, il est habituel d’entendre que réussira celui (ou celle) qui aura su « saisir ou mieux provoquer les opportunités ». On admet aussi assez généralement que le travail tenace et durable permet de provoquer la chance. La méthode Coué n’est pas en reste : il faut croire en son succès !

Ceci étant établi, une question, sinon LA question fondamentale et légitime reste à poser. Est-on sûr que la réussite soit une affaire de volonté inflexible canalisée par une méthode éprouvée ?

Après tout, n’existe-t-il pas des individus qui voulaient réussir, à tout prix, et qui ont appris les meilleures méthodes mais qui, au bout du compte, ont désespérément échoué ?

A l’inverse, d’autres personnes n’ont-elles pas réussi alors qu’elles ne désiraient rien de particulier ?
Quelle est la place de la chance dans les réussites qu’on nous montre en exemples ?

Hélas, les lois de la baraka, de l’arabe « bénédiction, faveur du ciel », semblent nous échapper. Pourtant, Averroes14, dès le 12è siècle, évoquait une « science de la chance ».

Réussir reviendrait-il donc à provoquer la chance après s’être préparé à la reconnaitre, l’accueillir et l’exploiter ? On le voit, lorsque toute rationalité a été épuisée, l’humain s’en remet à des croyances, reposant explicitement ou non sur des « forces » qu’il serait bien en peine de définir et plus encore d’expliquer. Le « hasard » reste la mesure de notre ignorance et l’ultime refuge de notre espoir…


Références :

[1] Marcel ACHARD, de son vrai nom Marcel Augustin Ferréol, (1899 - 1974 ). Dramaturge et écrivain français.

[2] Tristan BERNARD, de son vrai nom Paul Bernard, (1866-1947). Romancier et auteur dramatique français, célèbre pour ses mots d'esprit, il aurait inventé le jeu des petits chevaux.

[3] Earl WILSON (1907-1987), journaliste et écrivain américain.

[4] Hector BERLIOZ (1803 – 1869), compositeur et écrivain français.

[5] Stephen LEACOCK (1869- 1944), écrivain et économiste canadien.

[6] Publilius SYRUS, (né en Syrie en 85 Av. J.-C., décédé à Rome en 43 Av. J.-C.). Poète latin, amené esclave à Rome, il est éduqué puis affranchi par son maître en raison de ses qualités intellectuelles et ses talents d’improvisation dans l’art mimique.

[7] Charles GARFIELD – Peak performance (1986)

[8] Jim KOUZES & Barry POSNER – The leadership challenge (1987)

[9] Stephen COVEY – The seven habits of highly effective people (1989)
[10] Jerry L. FLETCHER – Patterns oh high performance (1993)

[11] Richard BANDLER, co-fondateur de la PNL (Programmation Neuro Linguistique) et auteur de nombreux ouvrages dont le remarquable « The structure of magic » en 1975. Une approche en avance sur temps qui remporta très tôt un succès incroyable.

[12] Laozi, « vieil enfant » ou « maître Lao » (Entre VIIe & Ve siècle av. J.-C.) auteur du « Livre de la Voie et de la Vertu » ou Dao De Jing.

[13] Zhuangzi, « Maître Zhuang », IVe siècle av. J.-C., auteur du Zhuangzi – ou encore le « Vrai classique de Nanhua », Nanhuazhenjing

[14] Averroès, de son vrai nom Abu'l-Walid Muhammad ibn Rouchd de Cordoue dit Ibn Ruchd (1126-1198). Philosophe, théologien islamique, juriste, mathématicien et médecin musulman andalou.


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R
Retranscription du commentaire de P.M :Une réflexion complémentaire : Ne demandons pas au manager de proximité d'être porteur de sens si les échelons supérieurs ne le sont pas. C'est d'abord au niveau des directions que les changements sont à faire. La cohérence et l'efficacité ne s'évaluent pas au nombre de projets lancés. Le management terrain est souvent confrontés à une multitude de changements imposés par les différentes directions qui se contredisent au lieu rechercher des synergies entre les démarches... Donner du sens quand vous êtes confrontés à cette avalanche de projet relève parfois de la manipulation ou se révèle impossible. Le management de proximité ne peut compenser les manques des directions.
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E
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Le manager de proximité est de fait porteur de sens, que ce sens soit correctement aligné ou non sur celui de la Direction. Y compris lorsque celle-ci ne parvient pas à communiquer un<br /> sens explicite et cohérent.<br /> <br /> Bien entendu, il appartient à la Direction d'indiquer le sens grâce à des orientations stratégiques et opérationnelles claires. Autrement, comment pourrait-on parler de "Direction"<br /> ?...<br /> <br /> Or, si la Direction est en défaut de sens, le sens sera celui que le manager de proximité donnera à son action... C'est humain. Et oui, il va de soi qu'une telle situation est<br /> problématique.<br /> <br /> <br /> Toutefois, ne perdons pas de vue que le manager de proximité n'est pas qu'un relai obéissant du top management (relation top > down) ! Il est aussi de sa responsabilité d'assurer la<br /> remontée d'informations et pas seulement dans la dimension du contrôle interne.<br /> Le top management ne peut élaborer une stratégie et ainsi indiquer un sens en complète déconnexion avec la réalité "terrain". En conséquence, le manager de proximité participe de la<br /> création du sens (relation bottom > up)!<br /> dimanche 23 août 2009<br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
R
Retranscription d'un commentaire posté sur le hub Viadeo : "Comment travailler mieux".Quelques petits ajouts en ce début de matinée : - Il me semble difficile de se limiter à la recherche de l'adhésion. Il me semble important de laisser aux acteurs une liberté d'adaptation et de créativité. A la fois pour leur permettre d'adhérer mais aussi pour favoriser l'adaptation de l'organisation à la réalité du terrain et à l'incertitude dans laquelle nous vivons.- Ceci suppose de plus et d'abord, un changement dans la posture des directeurs et managers qui doivent abandonner la volonté et l'espoir de tout contrôler.- Deux préalables difficiles à mettre en place : la confiance et le sens. Il s'agit d'une véritable construction. Ceci n'est possible que par la recherche de cohérence de l'ensemble des politiques y compris salariales. Par exemple la politique salariale : comment puis-je expliquer les écarts de rémunération (y compris l'ensemble des stock options, distributions d'actions et autres méthodes incitatives...) ? Une collectivité de travail peut-elle exister quand les écarts sont perçus comme injustes par les membres de cette communauté ?Bon week-end...auteur : P.M.
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E
<br /> Bien qu'en marge de l'objet central de l'article (tout est dans le titre...), les commentaires de P.M me conduisent à préciser certains points (je lui en suis donc reconnaissant) :<br /> <br /> - Dans toute stratégie, dans tout projet, l'adhésion des acteurs aux objectifs et aux plans d'actions est, bien évidemment, une nécessité. La question n'est pas de se limiter à cette recherche mais<br /> bien d'obtenir la cohérence nécessaire à la performance. Si elle n'est pas acquise au départ, elle constituera un pré-requis.<br /> <br /> - Il s'agit d'une véritable problématique, hélas trop bien connue des managers. Cet axe de réflexion débouche naturellement sur la question de l'engagement dans l'action, donc sur la motivation.<br /> Vaste sujet : souvent abstrait, toujours complexe. Si les "tendances" appellent à des approches individualisées, qualifiées de "plus humaines", elles n'en demeurent pas moins difficiles à mettre en<br /> oeuvre. C'est donc bien volontairement que je me contenterai d'indiquer ici cet axe sans le développer plus avant. D'autres "espaces" (un nouveau sujet de discussion ?) seraient sans doute plus<br /> appropriés.<br /> <br /> - Quant aux managers justement, comment obtenir d'eux qu'ils abandonnent toute volonté de tout contrôler ? C'est précisémment ce qui leur est demandé, en tout cas en France mais je crois comprendre<br /> qu'il en généralement de même en Europe et aux Etats-Unis.<br /> <br /> A contrario, oui, il existe bien des méthodes alternatives consistant à laisser plus de liberté à ses collaborateurs afin qu'ils puissent :<br /> - satisfaire spontanément leurs motivations intrinsèques,<br /> - développer leur créativité et être sources d'innovation,<br /> - améliorer et étendre leurs savoir-faire,<br /> - être des leviers effectifs de la performance globale.<br /> <br /> Mais, aussi séduisantes soient-elles, la mise en oeuvre de telles démarches dans l'entreprise demeure très rare.<br /> Peut-être trouvent-elles des terres d'accueil dans des secteurs émergents (silicon valley des années 80, essor de l'internet au début des années 2000,...) ou dans des secteurs "créatifs" par nature<br /> (publicité, évènements / performance artistique,...).<br /> <br /> - Il n'est pas certain que la confiance et le sens reposent sur la recherche de cohérence de l'ensemble des politiques de l'entreprise. Le management de proximité est LE porteur de sens et de<br /> confiance pour le collaborateur qui n'est pas nécessairement sensible à une vision globale de l'entreprise mais qui, comme vous le soulignez, sera vigilant quant à l'équité des traitements opérés<br /> dans son périmètre observable.<br /> <br /> En vous souhaitant, en retour, un excellent week-end...<br /> <br /> <br />
D
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